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Octobre 2019

 

La Fuite en héritage - Paula McGrath

Irlande, 2012. Elle est aujourd’hui gynécologue à Dublin où sa mère est atteinte de la maladie d’Alzheimer. Elle, c’est Jasmine, née Rosemary, trente ans plus tôt adolescente rebelle et fugueuse, sauvée de sa marginalité par la pratique de la boxe, discipline qui la ramènera, dans la douleur, sur la voie des études. Tennessee 2012 : Alison, orpheline mineure, ne peut supporter sa nouvelle vie chez ses grands-parents paternels. Sa fuite avec une bande de bikers peu recommandables tourne mal. Quel passé enfoui lie ces deux destins?  La violence faite aux femmes, aussi bien morale que physique, est au centre de ce roman de Paula McGrath (Génération, NB mars 2017), qui tisse un récit polyphonique sur trois générations, de femmes confrontées chacune à la société de son époque : l’Irlande des années 80, brisant des vies de jeunes filles au nom de la moralité, ou celle des années 2010 toujours figée sur ses prises de position morales face à l’avortement par exemple; elle montre également l’autre violence, quel que soit le continent, liée aux dérives de la drogue ou du sexe. Malgré une écriture souvent crue et quelques scènes difficiles, la lecture n’est pas exempte d’humanité ni d’espoir.  (M.M. et A.Le.)

 

La Mer à l'envers - Marie Darrieussecq

Le paquebot sur lequel Rose et ses enfants font une croisière en Méditerranée recueille un groupe de migrants. Prise de pitié pour Younès, jeune rescapé nigérien, Rose lui donne le téléphone portable de son fils. À son retour à Paris, elle reçoit sans arrêt des messages de son protégé, mais n’y répond pas. Ce n’est qu’après être revenue s’installer au pays basque que naît l’idée de le recueillir chez elle. Un jour, Younès appelle de Calais.  Marie Darrieussecq (Notre vie dans les forêts, NB octobre 2017) traite de belle façon le thème difficile des migrants à travers les tiraillements d’une femme entre ses obligations de mère, d’épouse, de pédopsychiatre et son envie d’altruisme. Les occupations quotidiennes laissent le plus souvent peu de place aux élans du coeur ou à l’héroïsme. À quoi ou à qui donner la priorité sans se sentir coupable ? Faut-il faire partager son engagement à ses proches ? Un portrait féminin subtil, dans un style vivant qui mêle justesse psychologique, poésie, ironie, et gravité. Loin d’être misérabiliste ou moralisateur, ce roman souligne les difficultés et les satisfactions procurées par l’accueil inconditionnel de l’étranger. Le sujet est traité avec tact et de façon limpide. (L.D. et T.R.)

 

L'Eté meurt jeune - Mirko Sabatino

Un petit village des Pouilles en 1963 et trois garçons de douze ans : Primo, orphelin d’un père adoré, frère attentif de Viola ; Mimmo, si attendu que sa mère, reconnaissante à Dieu, a décidé de sa vocation de prêtre ; Damiano, fils unique d’une femme si désirable que son mari l’enferme. Aux blessures familiales s’ajoute le harcèlement que leur infligent des voyous. Les trois amis signent un pacte : ils se porteront assistance en toutes circonstances.  Cet été-là, ce serment les entraîne dans un engrenage inexorable.  L’été meurt jeune est le premier roman de l’éditeur Mirko Sabatino. Tout sonne juste. L’écriture inventive restitue l’atmosphère oppressante d’un village italien traditionnel, avec ses animosités, ses malheurs et l’omniprésence de l’Église et du prêtre. Quelques dialogues, quelques gestes suffisent à suggérer subtilement des situations, des rapports humains et à dessiner des caractères, jamais manichéens. Les adultes, parfois pervers, sont surtout faibles ; les trois héros, jeunes mais déjà mûrs : le narrateur conscient d’être chef de famille, le second honteux de sa fragilité, le dernier bravement déterminé. Bien construit, le récit enveloppe le lecteur qui pressent une catastrophe finale. Un très beau roman, bouleversant et sensible, sur la fin brutale de l’enfance.  (L.G. et A.K.)

 

La Nostalgie du sang - Dario Correnti

Dans la région de Bergame, un journaliste fatigué et solitaire, menacé d’une retraite anticipée, prend connaissance d’un atroce fait divers : la découverte, au milieu d’indices rappelant un cérémonial magique, du cadavre d’une femme éventrée portant des traces de cannibalisme. Le mode opératoire conduit une jeune stagiaire du journal sur la piste d’un tueur en série, imitant Vincenzo Verzeni, le premier du genre en Italie au XIXe siècle. Dario Correnti, pseudo cachant le nom des deux auteurs, organise ce premier roman en courts chapitres, alternant la description des crimes anciens au rituel compliqué, celle de l’engrenage vécu par les futures victimes, mais aussi l’histoire personnelle des enquêteurs, souvent lourde à porter. Pris au piège par l’évolution récente du journalisme multimédia, ces deux laissés-pour-compte, le vieux journaliste expérimenté et la jeune stagiaire aux intuitions fulgurantes, utilisent leurs échecs cuisants pour bâtir un tandem efficace. Le suspense habilement mené donne toute sa place aux avancées permises par l’ADN et par les technologies de l’information. La description sociologique d’une région où tout le monde se connaît, mais où la principale vertu est la réserve, laisse deviner bien des non-dits. Malgré quelques longueurs, ce policier original et attachant glorifie réflexion et expérience. (E.B. et A.-M.G.)

 

Les Larmes de l'Hudson - Marie Bernadette Dupuy
Série L'Orpheline de Manhattan - Tome 3

Alors qu'Elisabeth vient tout juste de retrouver son père, installé depuis peu au Dakota Building pour sa convalescence, un nouveau malheur s'abat sur la belle orpheline : son fils Antonin disparaît après avoir échappé à la surveillance de sa famille. Le petit garçon a été vu en train de sortir dans la rue, mais la police perd sa trace au beau milieu de Central Park. Les souvenirs affluent dans l'esprit d'Elisabeth qui ne peut s'empêcher d'envisager le pire.
Elle ne sait que trop bien que les dangers sont nombreux dans le parc pour un garçon de tout juste cinq ans. Lui reviendra-t-il sain et sauf ? Face à cette nouvelle épreuve du destin, son désir le plus cher serait de revoir Justin, mais un océan les sépare... 

 

Le Voyageur des Bois d'en haut - Jean-Guy Soumy

Au XIX e siècle. Le jeune Camille part travailler à Lyon avec des maçons itinérants, venus comme lui de la Creuse. Il poursuivra sa route sur les traces de son père, prétendu mort, en quête de vérité sur la double vie et le passé de ce dernier... A seize ans, Camille part sur les chemins, rejoignant d'autres paysans creusois qui s'en vont jusqu'à Lyon pour " limousiner " : user de leurs bras et de leurs forces pour bâtir des édifices.
Quittant sa mère, fuyant la misère, Camille marche aux côtés de son oncle, avec en tête la figure absente du père. Son père... Une histoire manquée, fragmentée, mystérieuse... L'ouvrier aux mains d'or mais à la réputation ambiguë a disparu, quatre ans plus tôt, dans la grande crue du Rhône de 1856. Ville en pleine mutation, Lyon se dessine avec de nouvelles perspectives, des façades bourgeoises. Lyon, la ville où s'est abîmé son père.
Camille travaille dur : onze heures par jour, à grimper et dévaler des échelles, le panier d'osier rempli à ras bord de mâchefer sur les épaules, à servir les maçons et les tailleurs de pierre. Il apprend bientôt que son père ne serait pas mort, mais " envolé " sur les routes au bras d'une belle Italienne. Après avoir reproduit les gestes de son père, c'est " l'autre " vie de ce dernier que Camille va reconstituer dans une itinérance émaillée de rencontres, d'apprentissages, jusqu'à la frontière italienne... L'auteur fait revivre l'émigration saisonnière, dite " des maçons de la Creuse ", qui a duré plusieurs siècles et façonné le destin de populations rurales vivant notamment en Limousin.

 

J'avais une île - Lorenza Pien

Teresa vit dans l’île de Giglio sur la côte toscane, avec sa grande soeur Caterina, sa grand-mère maternelle et ses parents qui tiennent un hôtel-restaurant. Sa mère, surnommée « la Rouge » pour sa chevelure et ses idées politiques, s’oppose à la venue de deux terroristes « fascistes » tandis que le père vaque tranquillement à ses activités de pêche. Bien que Caterina soit une peste, le lien très fort qui unit les deux soeurs restera indéfectible malgré les soubresauts de la vie.  Dans ce premier roman, la grande et la petite histoire se mêlent à une chronique familiale. Vacances insouciantes, vie locale quotidienne en haute et basse saison, retour aux sources se succèdent dans uns atmosphère insulaire bien dépeinte. Un roman initiatique plus attachant dans les premières parties, celles de l’enfance, de l’insouciance. Descriptive et introspective, l’écriture est factuelle, le ton réaliste. La somme des faits et gestes retrace l’évolution des personnages pendant une quarantaine d’années, des « années de plomb » à l’époque actuelle et finit par former un récit nostalgique et sensible. Une nouvelle voix dans la littérature italienne dans la lignée d’Elena Ferrante ? (D.D. et M.Bo.)

 

Dévorer le ciel - Paolo Giordano

es Pouilles, années 90. Teresa, quatorze ans, rencontre pour la première fois « les garçons de la ferme », celle qui jouxte la maison de sa grand-mère. Sous la direction charismatique de Cesare, Nicola, Bern et Tommaso grandissent dans un profond respect de la nature et de la Bible. Teresa découvre l’amour avec l’énigmatique Bern, à l’insu des autres croit-elle. Elle abandonne ses études pour revenir à la ferme sans imaginer ce que lui réservent les vingt ans à venir.  Paolo Giordano (Les humeurs insolubles, HdN octobre 2015) signe ici un roman magistral dans sa construction en trois temps savamment entrelacés ; l’adolescence, la vie communautaire, l’échec et la fuite. Les Pouilles comme décor et une ferme confite de secrets, dédiée à la préservation de la nature et au refus du monde matérialiste. L’auteur aborde avec sensibilité les rapports complexes d’une jeunesse en quête d’idéal confrontée à la réalité et à leur envie de changer le monde, ils veulent Dévorer le ciel. Il déroule une saga palpitante entre amour, amitié, rivalités, rêves et désillusions. (C.P. et L.C.)
 

Ceux qui partent - Jeanne Benameur

À Ellis Island en 1910, Andrew Jónsson cherche à capter dans l’objectif de son appareil photo tout ce qui peut relier les nouveaux immigrants à leur histoire ancienne ; c’est aussi une façon pour lui de comprendre ce qui le rattacherait à ses propres racines. Au seuil de leur nouvelle vie, Donato, Emilia, Esther et Gabor entrecroisent leurs destins tandis que le jeune photographe new-yorkais découvre les non-dits de ses origines.  L’écriture de Jeanne Benameur (L’enfant qui, NB juillet-août 2017), sensuelle et poétique, saisit admirablement les moments furtifs où les souvenirs de toute une vie, heureux ou douloureux, reviennent lorsque tout bascule dans l’aventure de l’exil. Les personnages bien typés donnent à voir la réalité multiple de l’immigration au début du XXe siècle. Qu’ils soient arméniens, italiens ou bohémiens, ils fuient la misère, la guerre ou des blessures intimes : ils ont tous le désir profond de vivre leur nouvelle liberté. Mais ils gardent au fond d’eux-mêmes leur langue, leur métier et la mémoire de ceux qui ont disparu trop vite. C’est ainsi qu’ils préservent cette richesse qui leur donnera le courage de vivre leur déracinement. Un livre magnifique sur la mémoire et l’exil.  (S.D. et A.-M.G.)

 

Le Vin de Pâques - Élise Fischer

En avril 2001, à Nancy, Annelise, journaliste quinquagénaire, est chargée par France 3 de faire un reportage sur la distribution du « vin de Pâques », rite ancestral qui a lieu chaque dimanche pascal dans un village du Toulois au bord de la Moselle. Ce déplacement lui rappelle le camp de louveteaux qu’elle a organisé dans la région en septembre 1969 comme cheftaine, quelques jours avant son mariage prévu avec Marc, jeune architecte. Bien des péripéties avaient émaillé ce séjour, en particulier ses premiers élans amoureux pour le bel instituteur du coin…  

Fidèle à sa Lorraine natale, Elise Fischer (La promesse du sel, NB janvier-février 2019) nous donne cette fois un roman contemporain dont l’action se passe en 2001, avec des réminiscences de la période post 1968, et des secrets remontant aux horreurs de la déportation. Comme toujours elle met en scène des personnages sympathiques, une famille actuelle qui accepte divorce et amour libre, une héroïne courageuse élevant seule ses enfants, se souciant aussi de ses vieux parents, et toujours prête à aider les plus faibles. Les coïncidences trop flagrantes accentuent le côté mélodrame du récit parfois un peu long, mais le savoir-faire de l’auteure en fait une lecture attachante.  (E.L. et L.G.)

 

Le Baiser de l'ogre - Elsa Roch

Alerté par Lise Brugguer, son adjointe à la Crim’, Amaury Marsac découvre dans le hall d’un immeuble parisien un sexagénaire mort d’une balle dans la tête et Lise très gravement blessée. Avant d’être hospitalisée et de sombrer dans le coma, elle lui demande en secret de s’occuper de sa fillette autiste. La victime, droguée, alcoolique, venait d’acheter à crédit un salon de massage louche. Marsac et son bras droit se liguent pour protéger l’enfant et démêler l’imbroglio. Pourquoi Lise Brugguer était-elle mêlée à un règlement de compte ?  Elsa Roch est psychologue et écrivaine. Son troisième roman est découpé en chapitres courts, bien écrits. Face aux truands, dont « l’Ogre », les personnages sont attachants et finement campés. Les deux gradés meurtris par les épreuves, guettés par la lassitude comme beaucoup de policiers aujourd’hui, restent néanmoins fidèles à leurs idéaux ; l’équipe soudée est déçue que leur chef leur cache inexplicablement une partie des faits. La femme terriblement blessée et mutique et son enfant innocente illuminent ce livre très prenant… L’intrigue se déroule à Paris sur une semaine. Le passé fait irruption dans le présent et éclaire progressivement les zones d’ombre jusqu’au dénouement final inattendu.  (L.G. et C.
 


 

 

 


 


 

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