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Juillet 2018

 

L'Irrésistible Histoire du café myrtille - Mary Simses

À New York, Ellen, ravissante avocate trentenaire, promet à Ruth, sa grand-mère mourante, de porter une lettre en main propre à son premier amour. Elle part avec l’enveloppe pour leur ville natale : Beacon dans le Maine. Lors d’un repérage, elle fait un faux pas et tombe à l’eau. Transie, choquée, elle embrasse fougueusement celui qui l’a sauvée de la noyade. Mais elle n'en parle pas à son fiancé, un brillant New-Yorkais. 

Mary Simses, avocate en Floride, décrit dans son premier roman une certaine jeunesse de la côte est : élégante, aisée mais prétentieuse et sûre d’elle. Elle la compare au milieu simple, plus naturel, d’une petite ville de province, celui de la jeunesse de la vieille dame avec sa cuisine pleine d’odeurs et de couleurs. Là-bas, toutes les pistes ramènent Ellen à son charmant sauveteur. Elle se sent attirée mais se raisonne, aime trop New York et sa carrière pour vivre ailleurs. Son existence bien planifiée pourrait voler en éclat. Cependant elle se sent soutenue et pense que Ruth l’encouragerait à prendre sa vie en main. Humour, écriture agréable et imagée, personnages attachants font de cette lecture un vrai moment de bonheur.   (M.-P.R. et V.M.)

 

Le Vent de la plaine - Alan le May

Texas, 1874. Terrée dans la cabane de tourbe qu’elle partage avec sa mère et ses frères, Rachel Zachary aperçoit un mystérieux cavalier. Face au silence des siens, elle comprend qu’on lui cache un secret : elle serait en fait une Kiowa trouvée et adoptée par la famille. Pour protéger leur soeur, les frères refusent de parlementer avec les Indiens, mais ne peuvent éviter l’assaut final. 

Tiré de l’oubli par cette traduction d’Actes Sud, Alan Le May – 1899-1964 – est l’auteur de romans célébrant les vastes espaces américains et le Mythe de la Frontière. Nourri de connaissances historiques précises, le récit, à l’écriture superbe et très visuelle, suggère à merveille l’ambiance western. Le vent de la plaine avait d’ailleurs fait l’objet d’un film de John Huston resté célèbre. Toutes les descriptions sonnent juste, jusqu’au moindre détail : affrontements entre colons et Indiens kiowas, conflits entre familles de colons, constructions rudimentaires des pionniers, fabrication des balles en plomb, légendes indiennes... Les caractères sont attachants dans toutes leurs contradictions. On vit intensément l’angoisse d’avant l’attaque dans ces paysages sauvages et désolés, balayés par le vent. Les silences sont lourds et oppressants. On croit presque entendre la musique envoûtante et inquiétante d’Ennio Morricone.  (A.-M.G. et M.-N.P.)

 

Fleur de cadavre - Anne Mette Hancock

Héloïse, journaliste au Demokratik Dagblad de Copenhague, reçoit de France des lettres énigmatiques signées Anna Kiel. Celle-ci a égorgé trois ans auparavant un avocat, apparemment sans aucune raison. Elle a depuis disparu. Héloïse, qui ne sait pas pourquoi Anna s’adresse à elle, décide de découvrir les mobiles de ce meurtre. Elle prend contact avec l’inspecteur chargé de l’enquête et le journaliste qui a suivi l’affaire.

Pourquoi Anna a-t-elle choisi de s’adresser à Héloïse ? Que lui veut-elle ? L’intrigue est incontestablement insolite, telle la fleur rarissime et vénéneuse, Fleur de cadavre, dont la meurtrière parle dans chacune de ses lettres. Le roman fait alterner les voix de la journaliste, de la meurtrière, de l’inspecteur. On découvre l’atmosphère particulière de Copenhague, les coulisses du journal, les manoeuvres douteuses de certains politiques. Les personnages principaux, rapidement campés, sont attachants. Les méchants cachent bien leur jeu. La fin, un peu fleur bleue, est vraiment surprenante. Ce premier roman d’une journaliste danoise a reçu le prix de la révélation du polar danois 2017. (C.P.et E.Ca.)

 

Souvenirs effacés - Arno Strobel

Ratisbonne, 2008. Sybille se réveille dans un étrange hôpital. Son esprit est confus, mais elle est certaine qu’on vient de lui enlever son petit garçon. Un médecin lui explique qu’elle sort d’un coma de deux mois. Elle ne le croit pas, s’enfuit et retourne chez son mari, qui ne la reconnaît pas – ni d’ailleurs aucun de ses proches, malgré les détails véridiques qu’elle fournit. La voici à la rue, à la merci de policiers et de médecins inquiétants, cependant des aides providentielles surgissent. Providentielles, vraiment ?…

Étrange thriller que ce roman d’Arno Strobel (Enterrées vivantes, NB juillet-août 2017) où la violence reste sourde et où croît l’angoisse : dans sa vie devenue un désert, avec des souvenirs démentis par la réalité, l’héroïne, fragile et attachante, parfois désespérée, tente d’introduire une logique dans la « fiction » où elle se débat. Tous affirment qu’elle n’a pas d’enfant, ce qu’elle n’accepte pas et elle se demande qui elle est réellement. Une victime, certainement, mais de qui, et surtout pourquoi ? Autour d’elle les personnages sont de plus en plus ambigus et inquiétants. Jusqu’à la fin, le lecteur s’interroge et espère, grâce à une écriture psychologique pleine d’empathie.  (E.B. et M.-C.A.)

 

Un Million de minutes - Wolf Kuper

Wolf Küper connaît, grâce à sa formation et à son énergie, une carrière prometteuse auprès de l’ONU. Sa fille Nina est gentille et affectueuse, mais d’une lenteur pathologique, proche du handicap. Par jeu, elle lui réclame un million de minutes d’attention. La vie familiale bascule. Peu importent ambition et réussite, seul compte le temps. Dès lors, en compagnie de sa femme, Vera, de leur fils de six mois (Mister Simon) et de Nina, il part pour de grandes vacances familiales à travers le monde : Thaïlande, Australie, Nouvelle-Zélande... 

Wolf Küper est spécialiste des politiques internationales quant à l'avenir de la planète et expert auprès des Nations-Unies. Le narrateur, le père lui-même, quelquefois inspiré par certaines réflexions insolites de la petite héroïne, profondément transformé et regardant son ancienne image avec curiosité, décrit des paysages, des communautés et des aventures touchantes. Dans cette biographie poétique, pleine d'humour et émouvante, l'auteur analyse, avec beaucoup d'à-propos, comment toute la famille s’intègre aisément et profite pleinement de ces nouvelles relations humaines et environnementales dans ces séjours qui totalisent le million de minutes et sont d'une richesse étonnantes. On ne peut qu’éprouver une profonde empathie pour cet homme, enfin libéré de ses contraintes, et pour ses proches.  (E.G. et A.)

 

La Dernière héritière - Guillemette de La Borie

1895 : à trente-quatre ans, le capitaine Charles de Farges, désargenté, accepte d’épouser Pauline de Geyrac qui n’a que dix-huit ans, mais possède le domaine de Péchagrier en Périgord, son château, ses métairies, qu’il doit reprendre en main… Si Pauline est très amoureuse, son mari ne lui manifeste sa flamme que pour concevoir leurs sept enfants. De multiples drames traversent le destin de cette nombreuse famille : maladies, guerres mondiales, accident de cheval qui tue le chef de famille… et bien d’autres péripéties.  

Après Le double secret de Bigaroque (NB juillet-août 2010), l’auteur revient au Périgord, son cadre de prédilection, pour cette saga d’une famille noble au cours de la première moitié du XXe siècle. L’évocation des moeurs du siècle précédent lui permet de montrer l’évolution des idées dans la noblesse provinciale. Les caractères des très nombreux personnages sont bien ciblés et on suit la vie de ceux qui sont figés dans un monde qui disparaît et celle des plus modernes qui veulent vivre avec leur temps. Le style, vif et élégant, contribue à faire de ce long roman une lecture agréable et instructive.  (E.L. et B.T.)

 

Soixante jours - Sarah Mary

Quinze Kurdes, venus de toute l’Anatolie à Istanbul, montent dans un vieux bus affrété par un passeur qui, pour 3500 euros par personne, promet de les faire parvenir en Italie. Il y a deux femmes, un bébé, deux jeunes enfants et dix hommes dans la force de l’âge. Un incroyable périple les attend à travers la Bulgarie, la Serbie, la Macédoine et l’Albanie avant une lamentable traversée en Zodiac vers l’Italie.

L’auteure a rencontré l’un d’eux et lui a promis d’écrire sa tragique épopée et celle de ses compagnons. Dans ce livre bouleversant où vibre la personnalité de chacun, elle raconte comment les cinq jours annoncés par le passeur se sont transformés en deux longs mois d’errance pendant la saison hivernale, la plupart du temps à pied dans la forêt, pour ces migrants confrontés au froid, à la faim, à la souffrance physique, aux forces armées des pays traversés, au racket des passeurs. Elle met en avant leur formidable courage et l’inébranlable solidarité qui leur a permis d’affronter le pire. Sur le sujet brûlant de l’immigration, voici une admirable leçon d’humanité doublée d’un vibrant plaidoyer pour le peuple kurde martyrisé. (L.K. et L.D.)

 

Trouville Casino - Christine Montalbetti

Le 25 août 2011, l'ambiance estivale tranquille d'un début d'après-midi à Trouville vole en éclats. Un braquage à main armée est en cours au casino. Stupeur des premiers témoins : c'est un vieux monsieur seul qui s'enfuit avec son maigre butin dans sa propre voiture, après avoir tiré sur un policier. Cavale, prise d'otage. Qui est-il, d'où vient-il, pourquoi ce geste ? Une romancière qui connait bien les lieux décide, pour comprendre, d'aller plus loin que les maigres comptes rendus dans les médias d'un fait divers local vite oublié.
 
Christine Montalbetti (La vie est faite de ces toutes petites choses, NB novembre 2016) offre beaucoup plus que la retranscription minutée et minutieuse d'un casse improbable mais véridique. Sa narration va loin au-delà de la cocasserie relative du coup de folie d'un papy flingueur. Elle s'implique personnellement dans la recherche de la motivation du septuagénaire et nous prend en otages de ses découvertes et interprétations. Son écriture brillante, son goût pour la précision, ses digressions assumées, ses apartés, sont au service de l'hommage tendre et respectueux rendu à un homme ordinaire usé par le rétrécissement inexorable de son existence quotidienne et les inconstances du ciel normand. Original, inattendu, profond et poignant.     
 
 

L'Enfant aux yeux d'étoile - Frédéric Lesur

Mathys, dix ans, perd ses parents dans un accident de voiture. Il se réfugie dans le déni en affectant de se prendre pour Le Petit Prince. Devenu extrêmement agressif et violent dès qu’on le rappelle à la réalité, il est hospitalisé en pédopsychiatrie. Deux mois s’écoulant sans amélioration, le chef de service fait appel à un ami très proche, confrère hyper médiatisé, spécialiste des grands traumatismes infantiles, qui propose de partir en Aubrac seul avec l’enfant.

Cette jolie histoire d’aventure thérapeutique hors les murs d’un hôpital psychiatrique – fortement inspirée du beau conte de Saint-Exupéry – repose sur la relation entre un drôle de petit bonhomme, orphelin « absolu », et un médecin, homme généreux, profondément ému par cet enfant emprisonné dans une grave psychose réactionnelle. On est sans cesse partagé entre une réelle émotion et l’impression fugitive d’une certaine mièvrerie. Mais on est aussi pris par le subtil jeu d’apprivoisement de ces extraordinaires menteurs que sont l’adulte et l’enfant, et par le puissant lien d’amour qui se tisse peu à peu entre eux. On voit venir la suite mais qu'importe, les dernières pages de ce livre, débordant d’imagination, de tendresse et de poésie, sont bouleversantes.  (R.C.G. et M.-N.P.)