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Mai 2020

La Laitière de Bangalore - Shoba Narayan

Après plus de vingt ans passés aux États-Unis, Shoba rentre en Inde avec sa famille. Dans les rues de Bangalore, hommes d'affaires côtoient vendeurs à la sauvette, mendiants, travestis et. vaches! Shoba se lie bientôt d'amitié avec Sarala, sa voisine laitière dont les vaches vagabondent dans les champs. Mais lorsque Sarala propose à Shoba de participer à l'achat d'une nouvelle bête commence une drôle d'épopée! Acheter une vache en Inde n'est pas une mince affaire.
Il y a des règles strictes et d'innombrables traditions à respecter. Et comment choisir parmi les quarante races indigènes de bovins - sans compter les hybrides! De foires aux bestiaux en marchandages sans fin, Shoba redécouvre l'omniprésence de l'animal dans la vie indienne : on boit son lait, mais on utilise aussi sa bouse pour purifier les maisons, son urine pour fabriquer des médicaments. Dans une succession de scènes cocasses et émouvantes où les vaches ont le premier rôle, Shoba Narayan évoque aussi les mantras, Bollywood, la médecine ayurvédique, le système de castes, et dresse ainsi un portrait contrasté de l'Inde d'aujourd'hui.


Chez nous - Louise Candlish

Pour préserver leurs deux jeunes garçons, Fiona et Bram, en instance de divorce, se relaient dans leur très belle résidence du Sud de Londres, elle au début, lui à la fin de la semaine. Mais le 13 janvier 2017, après un déplacement, Fiona trouve à la porte de la maison un camion de déménagement et une jeune femme qui affirme être la nouvelle propriétaire. Ayant constaté que la maison a été vidée, elle essaye en vain de joindre Bram et apprend que ses fils ne sont pas à l’école. Comment en est-on arrivé là ?

Deux voix alternent pour distiller l’enchainement inéluctable qui aboutit à ce vendredi 13. Celle de la femme qui a enregistré son histoire dans un podcast de renom consacré aux affaires criminelles. Celle de l’homme, transcrite dans un Document Word. L’action se déroule sur quarante-huit heures, l’issue est connue dès le début, mais Louise Candlish parvient à surprendre jusqu’à la dernière page. Elle fait vivre un quartier huppé ou chacun doit sauver les apparences. La personnalité des deux narrateurs se précise doucement et l’engrenage dans lequel ils sont entrainés parait irrépressible… Et pourtant ! Ce thriller remarquablement construit a reçu le British Book Awards 2019. (C.P. et V.M.)


 L'Enigme de la chambre 622 - Joël Dicker

En 2018, Joël se rend au Palace, prestigieux hôtel de Verbier, pour se remettre d’une déception amoureuse et de la mort de son éditeur, Bernard de Fallois, auquel il tente de consacrer un livre. Il est loin de se douter qu’il va passer ses vacances, entraîné par une ravissante voisine, à enquêter sur un meurtre commis des années auparavant dans la chambre 622.
Verbier ! Une station de ski où il ne se passe jamais rien… C’est compter sans Joël Dicker, alias « l’écrivain », qui se met habilement en scène et ménage un suspense qui va crescendo jusqu’aux dernières pages. L’hommage appuyé à son éditeur, qui fut également son ami, s’intercale avec délicatesse dans une intrigue aux moult rebondissements. À l’égal de La disparition de Stéphanie Mailer (Les Notes mars 2018), Dicker prend son temps pour faire vivre une brillante galerie de personnages qui trouvent leur équilibre dans l’alternance des époques. Chantage, duplicité, trahison, machination ; l’auteur, doté d’un esprit méthodique, brouille les pistes sans jamais lâcher une intrigue au fort potentiel distrayant, qui brosse une époque révolue de luxe ostentatoire. Les convictions se muent en doute jusqu’à un épilogue qui livre sa vérité dans une ultime pirouette. (Maje et S.L.)


Etés anglais - Elizabeth Jane Howard
La Saga des Cazalet ; Tome 1

1937, les époux Cazalet s’apprêtent à recevoir, dans leur propriété du Sussex, leurs trois fils : Hugh, Edward et Rupert avec femmes, enfants et gouvernantes. Les parents et leur fille célibataire dirigent la nombreuse domesticité. Les deux aînés, combattants en 1914 – seul Hugh a été blessé – travaillent dans la prospère firme paternelle. Le cadet, veuf avec deux enfants, s’est remarié. Parties de tennis, balades à cheval, pique-niques à la mer rassemblent la famille. L’atmosphère s’assombrit avec les rumeurs de guerre et et bientôt s’annoncent de nouvelles arrivées.
Premier tome d’une saga devenue une série télévisée, cette riche évocation par Elizabeth Jane Howard (Une saison à Hydra, Les Notes avril 2019) d’un monde destiné à disparaître fourmille de personnages attachants. Le récit souligne l’incertitude de l’avenir et les relations des couples mais l’essentiel est la peinture des mœurs et des mentalités des années trente. Quelques personnalités tranchent, notamment féminines alors qu’elles sont encore confinées dans leur foyer. Les portraits fouillés des adolescentes et leurs préoccupations sont tout aussi vivants. Les relations filles/garçons restent très victoriennes. La campagne anglaise, le charme des soirées musicales, l’amour de la lecture complètent le tableau. Une vision détaillée qui exprime bien la nostalgie d’une société disparue. (S.La. et A.-M.D.)



 Dans les geôles de Sibérie - Yoann Barbereau

11 février 2015, Irkoutsk. Des agents du FSB (ex KGB) arrêtent Yoann Barbereau, directeur de l’Alliance française. Accusé de diffusion d’images pédopornographiques et d’attouchements sur sa fille de cinq ans. Coupable de viol selon l’article 132 du code pénal russe, il est placé en résidence surveillée, interné en hôpital psychiatrique. Réfugié à l’ambassade de France à Moscou à la suite d’un simulacre de procès, il écope de quinze ans de camp. Il s’échappe après deux ans et demi de cauchemar.
Si ce n’était pas une histoire vraie, on pourrait croire que ce livre est un roman dans la veine du Bureau des légendes tant il est percutant. On y trouve tous les ingrédients : mensonge, violence, torture, faux témoignages, fabrication de preuves, menaces… Mais des zones d’ombre demeurent. L’auteur était-il un espion ? Il s’en défend. Chapitre après chapitre, chacun introduit par une citation littéraire, l’auteur témoigne des techniques du « Kompromat » – une machination ourdie pour compromettre une personne –, de ce qu’a été sa vie avant et après son arrestation, de son évasion rocambolesque (la meilleure des solutions). Les nombreuses références littéraires et un vocabulaire recherché en poétisent la prose. En tout cas son récit, aussi excitant qu’angoissant est bien l’œuvre d’un excellent romancier. (C.Go. et F.L.)


                                                   
  Siège 7A - Sebastian Fitzek

Le psychiatre Mats Krüger embarque dans un vol Buenos Aires-Berlin afin d’être auprès de sa fille Nele qui doit accoucher. Au même moment, elle est enlevée. Un inconnu téléphone à Mats et dicte ses conditions. Interdiction de prévenir la police. Nele et son nouveau-né seront saufs s’il provoque le crash de l’avion dans lequel il se trouve. comment parviendra-t-il à les sauver avec son smartphone et le secours de Féli, une ex-collègue berlinoise ?
Tandis que le psychiatre aviophobe et lâche doit manipuler une de ses anciennes patientes pour qu’elle détruise l’avion et que sa fille, en pleines contractions, est retenue prisonnière par un fou incohérent, Féli court dans tout Berlin pour la retrouver. Qui a pu manigancer une telle horreur, comment et surtout dans quel but ? En courts chapitres haletants, l’Allemand Sebastian Fitzek (Le colis, Les Notes avril 2019) précipite ses personnages dans des péripéties aussi ahurissantes qu’angoissantes. Et ça marche ! Difficile de lâcher cette histoire invraisemblable où d’improbables personnages finissent, après quelques morts, par comprendre dans quel engrenage ils ont été embringués. Attachez vos ceintures ! (C.P. et M.Bo.)


Le Cercle des hommes - Pascal Manoukian

L’avion de Gabriel, cadre dirigeant d’un grand complexe industriel minier, s’écrase dans la forêt amazonienne. Il en ressort complètement amnésique pendant plusieurs jours. Malmené par des porcs sauvages, il est ensuite découvert par une tribu d’Indiens qui ignorent s’il est un homme, un animal ou une chose. La naissance de sa petite fille, dont la mère est une jeune Indienne, prouve sa nature humaine. Finalement pour lui se pose l’alternative : retrouver sa vie civilisée ou rester avec les Yacou ?
Après Le paradoxe d’Anderson (HdN juillet 2018), Pascal Manoukian plaide dans ce roman d’aventures pour la sauvegarde de l’environnement, contre la déforestation ; il évoque aussi le drame des derniers Indiens qui veulent maintenir leur vie simple, tournée vers la nature, avec ses rites sacrés dans un territoire de plus en plus restreint. Le dilemme de l’industriel concernant l’avenir de son enfant et sa propre initiation à rebours apportent un côté émouvant. Si ce livre d’actualité n’évite pas un certain manichéisme, en revanche la jungle et la vie du clan dit « primitif » ont leur beauté, mais aussi leur brutalité, peinte crûment. Le message parfois appuyé alourdit un peu la création romanesque riche et réussie, qui suffit à la démonstration. (B.D. et A.Le.)

Neuf parfaits étrangers - Liane Moriarty

Masha, directrice d’un centre de bien-être à quelques heures de Sydney, accueille un groupe de neuf personnes : Frances, cinquante ans, de nouveau célibataire, un couple qui a perdu un enfant avec leur fille, un avocat gay, une mère de famille plaquée, Ben et Jessica, gagnants du loto, et Carmel, obsédée par son poids. Personnage magnétique, Masha les reçoit pour des entretiens psychologiques personnalisés et leur applique des thérapies nouvelles. Mais jusqu’où peuvent aller ses méthodes surprenantes ?
Liane Moriarty n’en est pas à son coup d’essai. Écrivaine australienne reconnue, elle n’a pas son pareil pour décrire les états d’âme de gens ordinaires, leurs fêlures, leurs obsessions (Un peu, beaucoup, à la folie, NB mai 2018). À travers de courts chapitres au style fluide, elle décortique le caractère de chacun, mélange les personnages pour les faire interagir mais l’histoire peine à avancer. Ce n’est qu’assez tard que les choses se mettent à bouger, avec un certain humour, voire de l’ironie, contre les dérives de cette mode du développement personnel. Le lecteur aurait apprécié un récit plus court qui ferait peut-être le succès d’une série télévisée ? (E.Ca. et B.T.)

 Deux Coeurs légers - Sophie Simon

Venu du Nebraska, guitariste et chanteur, Ray triomphe à Los Angeles. Cependant le père de Minie, sa petite amie mineure, ne supporte pas qu’elle aime un Noir ; il le fait coffrer pour viol, ruinant ainsi sa carrière. Mais, à dix-huit ans, Minie épouse Ray en prison puis le suit au Nebraska où il travaille dans le restaurant familial. Cinq enfants arrivent : le bonheur… sauf que Ray n’oublie pas sa vocation abandonnée. Or le frère de Minie, abîmé par la violence paternelle, les a rejoints. Musicien lui aussi, il a vaincu son obésité. Ensemble, ils pourraient retenter leur chance…
Le racisme hante ce roman : invisibilité, mépris, insultes et coups. Ray, le narrateur, n’accepte pas la « soumission » paternelle devant les Blancs. Elle le ronge et le culpabilise. L’auteure reste fidèle à ses sujets favoris, la famille et les États-Unis (Gary tout seul, HdN mai 2014). Ray, fin observateur, attachant et sympathique, décrit bien le mépris de soi qu’on hérite du passé. L’intrigue est habilement conduite et toujours claire. La romancière excelle à choisir le mot juste et, dans ce roman au sujet grave, rien n’est lourd, même si les coeurs, eux, ne sont pas toujours « légers ». (E.B. et M.-C.A.)


 Le Pays des autres - Leïla Slimani

Alsace, 1944. Mathilde s’éprend d’Amine Belhaj, combattant marocain dans l’armée française, et le suit au Maroc. Le couple s’installe près de Meknès sur une terre ingrate. Une vie très dure commence et la jeune femme souffre du climat et de la solitude alors qu’à partir de 1954, à l’approche de l’indépendance, les conditions de vie s’enveniment aussi bien pour Amine, contesté par les siens, que pour « l’étrangère » Mathilde, malgré son courage et sa détermination.
Premier volet d’une trilogie annoncée, ce magnifique roman de Leïla Slimani (Sexe et mensonges, NB novembre 2017) s’inspire de l’histoire de sa grand-mère et traite magistralement de graves problèmes : comment se sentir bien dans un pays qui n’est pas le sien car personne n’est « chez lui », ni le Marocain qui a épousé une Française et qui réussit par son travail, ni la Française qui ne respecte pas les traditions. Joliment écrit, parfaitement mis en scène et allant au fond des caractères des personnages sans concession ni facilité, ce texte d’une grande intensité dépeint les approches de l’indépendance marocaine vue de l’intérieur en décrivant avec réalisme les déchirements et les débordements – en fait, le choc de deux civilisations. (J.M. et C.R.P.)


Lettres de Washington Square - Anne Icart

En 1989, Zélie découvre, dissimulées dans le grenier de la maison familiale ariégeoise, des dizaines de lettres jamais décachetées adressées à son père. Elles viennent des États-Unis. Les premières datent de 1925. Elles ont été envoyées par son grand-père qui avait émigré à la mort de sa femme, laissant en France son seul fils. Devenu médecin, ce dernier souffre toujours du silence de celui que l’entourage traitait de « vagabond ».
Anne Icart (Le temps des Lilas, NB juillet-août 2017) écrit des romans en partie autobiographiques, les personnages principaux ont existé, elle a rencontré leurs descendants. Elle raconte, en alternant le texte des lettres avec la saga de la famille française, une histoire mouvementée, des Pyrénées à New York, et l’entoure d’une émotion presque palpable. Certaines scènes sont déchirantes. Comment ne pas compatir à la souffrance d’un fils qui se croyait abandonné par son père alors que ses lettres, d’une affection débordante, ont été cachées par vengeance ? Alors que la silhouette paternelle, écrivant solitaire sur un banc de Washington Square hante le récit ? L’atmosphère américaine au début du XXe siècle est rude mais la possibilité d’y réussir, la chaleur de l’entraide, la cuisine du sud-ouest… ensoleillent cette lecture très prenante.  (V.M. et M.Bo.)


Se le dire enfin - Agnès Ledig

Sur le quai de la gare de Vannes, Edouard quitte brusquement sa femme pour partir avec une romancière anglaise âgée qui l’emmène dans la forêt de Brocéliande ; il s’y promène longuement et réfléchit sur sa vie. Il rencontre Gaëlle et son fils, très doué pour la mécanique et muet depuis la mort de son père, le vieux Raymond et ses mots anciens, la mystérieuse Adèle qui ne veut plus retourner dans l’auberge de ses parents. Surtout, il retrouve Élise, son amour de jeunesse, et se demande s’il ne doit pas complètement changer d’orientation et s’installer près de ces lieux chargés de légendes.
Après un début assez lent, avec de belles descriptions de cette célèbre forêt, l’action démarre enfin. Chacun est hanté par un secret, qui se dévoile peu à peu, puis éclate quand tous arrivent à le dire. Si le personnage principal est un peu fade et hésitant, et si sa femme réunit caricaturalement tous les défauts, les personnages secondaires sont plus convaincants. L’écriture fluide est parfois légèrement apprêtée. Mais Agnès Ledig (Dans le murmure des feuilles qui dansent, NB juillet-août 2018) plonge le lecteur dans une atmosphère parfois onirique qui l’emmène agréablement dans une histoire très humaine. (D.C. et A.Le.)


Nid de guêpes - Rachel Abbott

Anna mène une double vie. Côté face, mère de famille attentionnée, épouse solide et directrice d’école. Mais plusieurs soirs par semaine elle dit aller à la salle de gym alors qu’elle retrouve un autre appartement, enfile une robe sexy, se coiffe d’une perruque et ressort… Est-ce à cause de son passé et de ses mauvais choix lors de son année à l’université ? À l’époque, elle était follement amoureuse de Scott. Mais Scott est mort. Que cache-t-elle ? Ou de qui veut-elle protéger ?
Rachel Abbot (Ce qui ne tue pas, NB mars 2019) est passée maître dans l’art de créer un suspense au sein de petites vies apparemment normales. Elle construit son intrigue autour de choses banales : une émission de radio entendue en voiture, un sac de gym, un enfant qui pleure, puis suscite avec habileté l’intérêt au moyen de flash-back qui dévoilent progressivement les dessous de l’intrigue. Elle noue et dénoue les fils d’une histoire complexe, basée sur l’art du mensonge, le chantage, et le bluff. Le style est alerte, les dialogues vivants. Cependant les personnages n’ont pas toujours des réactions crédibles et certaines ficelles sont un peu grosses. Avec doigté, Rachel Abbott sait les cacher sous le tapis d’une intrigue à points serrés. Ce policier psychologique se lit volontiers. (B.Bo. et C.Go.)


 Le Chemin des amoureux - Louison

Juliette et Jérôme forment un couple, harmonieux et amoureux. Ils attendent leur premier enfant, Joseph, qui naît le jour des attentats du Bataclan, au moment où leur terrasse favorite est le siège d’une tuerie sanglante. Trois ans plus tard, Jérôme meurt subitement d’une rupture d’anévrisme. Juliette se retrouve enceinte….
L’auteur est une dessinatrice de BD, qui sont appréciées pour leur bonne humeur et leur optimisme. Ces deux qualités se retrouvent dans l’histoire touchante de Jérôme et Juliette. Un style enlevé, familier, parfois un peu cru, accompagne la peinture des deux jeunes gens plus vrais que nature, confrontés aux petits problèmes du quotidien – agacements, incompréhensions –  et aux grandes décisions – avoir ou non un enfant – jusqu’au drame de la mort face à laquelle Juliette se révèle une magnifique Mère Courage dont l’humour chasse tout pathos. Une belle leçon de vie qui tient parfaitement la route car le ton et la psychologie des personnages sont toujours justes. D’un livre, léger dans la forme, grave dans le fond, Louison fait un véritable hymne au bonheur, à la tendresse, à l’amour, à l’amitié et à l’espérance. On en sort ému et ragaillardi ! (L.K. et M.F.)