Ouverture unique le samedi de 9h30 à 11h30

Novembre 2019

 

Les Choses humaines - Karine Tuil

Claire, essayiste connue, et son mari Jean, journaliste célèbre, forment un couple très en vue dont la connivence intellectuelle masque la misère sexuelle. Leur fils, étudiant brillant et sportif aguerri, fait leur fierté. Son départ pour une prestigieuse université américaine se voit compromis par une plainte pour viol, déposée par la fille du nouveau compagnon de sa mère. Le sexe, animal et irrépressible, qui compromet l’image sociale et saccage des vies ; la soif de reconnaissance et le cynisme des hommes de pouvoir ; l’obsession de l’image, l’exposition visuelle et sa contrepartie, le lynchage médiatique, irriguent tout ce roman. Le cheminement d’un homme ayant fait de sa longévité télévisuelle l’objectif de toute une vie et le parcours de la plainte pour viol jusqu’à la violence du procès permettent à Karine Tuil (L’insouciance, NB décembre 2016), toujours en prise avec l’actualité, de dresser un tableau lucide de la société actuelle et des incertitudes de la vie. Le propos est structuré, précis et les interprétations se font face. Outre son talent narratif, la force du récit réside dans sa capacité à évoquer les distorsions entre discours engagés et réalité de la vie. (Maje et V.A.) 


Tout ce qui est sur terre doit périr - Michel Bussi

Un thriller ambitieux au rythme effréné. Une intrigue historique diaboliquement séduisante qui embarque le lecteur dans une course folle, de Bordeaux à Erevan en passant par le Vatican et Hong Kong, à la poursuite d'un secret qui n'est rien de moins que celui de l'humanité tout entière. Tout ce qui est sur Terre doit périr a précédemment paru sous le titre La Dernière Licorne, sous le pseudonyme de Tobby Rolland.
Une masse sombre, inexpliquée, prise dans les glaces millénaires du mont Ararat. Un livre interdit, gardé sous clé dans l'enfer du Vatican. Un animal de bois, énigmatique, portant au front une corne unique. Les indices sont là, éparpillés. Un gigantesque puzzle à reconstituer pour remonter à l'origine de toutes les religions du monde. De Bordeaux à Hong Kong, en passant par l'Arménie, Zak Ikabi n'a qu'une obsession : en réunir toutes les pièces.
Et trouver ainsi l'arche de Noé. Embarquée malgré elle dans sa quête, la glaciologue Cécile Serval, aussi érudite que volcanique, se voit bientôt confrontée à un véritable déluge de questions. Et de balles de kalachnikovs... Car pour garder ce secret, certains sont prêts à tous les sacrifices....

 

Rose Royal - Nicolas Mathieu

Rose a la cinquantaine, une vie derrière elle, avec ses joies, ses déveines, des gosses, un divorce. Et des mecs qui presque tous lui ont fait mal. Le soir, en sortant du boulot, elle se rend au Royal, un bar où elle a ses habitudes. Là, elle boit. De temps en temps, elle y retrouve sa grande copine Marie-Jeanne. Puis, elle rentre chez elle et le lendemain tout recommence. Mais une nuit, Luc débarque au Royal et Rose se laisse prendre une dernière fois à cette farce du grand amour.
Sauf qu'elle s'est juré que plus jamais un mec ne lui ferait du mal. 

 

 

Tous les hommes n'habitent pas le monde de la même façon - Jean-Paul Dubois

Pourquoi le gentil Paul Hansen est-il incarcéré à Montréal ? Serviable, il travaillait comme gardien et factotum dans une résidence où il réparait les choses… et les êtres. Il raconte son quotidien dans la cellule qu’il partage avec Patrick, une brute épaisse et amicale, fana de moto, sans pudeur, sans peur – sauf des souris –, et évoque ses chers disparus. Son père, un pasteur danois qui a perdu la foi, mort criblé de dettes. Sa mère, indépendante et indifférente, à la tête d’un cinéma à Toulouse. Son épouse, une Irlando-Algonquine a disparu aux commandes de son avion…  Jean-Paul Dubois connaît bien le Canada. Comme dans ses précédents romans (La succession, NB octobre 2016), le narrateur s’appelle Paul, est toulousain, aime son chien… Il s’exprime sur un ton désabusé avec un goût prononcé pour les détails techniques et la vie des autres. La construction faisant alterner, sans originalité, passé et présent donne à la lecture de la fluidité. Grâce à l’humour distancié et à l’écriture, belle, imagée, sereine, le récit, parsemé de personnages savoureux, ne sombre jamais dans la tragédie malgré le poids des héritages familiaux et le désenchantement de toute vie. Entre sourires et mélancolie, un roman riche, tendrement désespéré et consolateur, plein d’humanité. (D.D. et M.Bo.)

 

Le Quaker - Liam McIlvanney

Glasgow en 1965. Trois jeunes femmes sont assassinées dans des conditions identiques. Un portrait du tueur présumé, Le Quaker, est affiché partout mais les policiers se perdent dans les détails. L’inspecteur McCormack est envoyé pour expertiser l’enquête et cerner ses insuffisances tandis qu’un quatrième meurtre est commis et qu’un perceur de coffres-forts effectue un cambriolage. Les trois affaires se rejoignent.  Dans un contexte d’affaires de meurtres, Liam McIlvanney construit une intrigue policière complexe mais solide. Universitaire très attaché à ses racines écossaises, natif de Glasgow dont il connaît tous les aspects, il met en scène un quartier lugubre et en pleine démolition de cette ville qu’il a souvent dépeinte : des appartements abandonnés, une police locale inefficace et dirigée de façon peu orthodoxe. En chapitres bien rythmés (victimes, enquêteurs et malfrats prennent tour à tour la parole), l’auteur s’interroge sur les liens de tous avec la mafia locale, connue et puissante. Ce roman noir, porté par une écriture efficace, nécessite une attention constante, mais les caractères bien étudiés, les retournements de situation continuels et l’écriture soignée en font la valeur. (M.F. et F.L.)


Même les arbres s'en souviennent - Christian Signol

Lassé de la vie urbaine, Lucas, trente ans, rend régulièrement visite à Emilien, son arrière-grand-père, qui s'est retiré dans un petit appartement proche du hameau où il a grandi. Lucas est très attaché à la maison de famille qui le rappelle à ses origines car il sait que c'est là que s'est joué le destin des siens. Un jour, il décide de restaurer les vieux murs qui résonnent encore de l'histoire familiale et, pour mieux s'en imprégner, demande à son arrière-grand-père d'écrire le récit de sa vie.
Emilien raconte alors comment il est né dans ce hameau du Limousin en 1915, et comment, malgré un travail acharné, il a assisté à la désertification des campagnes qui tentaient de basculer dans la modernité. C'est pourtant là, dans ces venelles qu'il faut aujourd'hui défricher, que Lucas et son arrière-grand-père aiment à rêver que tout n'est pas perdu. Dans ce roman sensible et plein d'espoir, Christian Signol évoque la transmission entre des générations que tout semble séparer mais qui ont en commun l'essentiel : le vrai sens de la mémoire et de la vie.

 

Cora dans la spirale - Vincent Message

Après son congé maternité, Cora Salme reprend son travail dans une société d’assurances. Gérée par un président à la fibre sociale, l’entreprise, rattrapée par la crise de 2010, vient d’être rachetée. Les nouvelles méthodes de management deviennent plus agressives, le travail, chronophage, empiète sur la vie familiale. Fatigue et stress s’accumulent, mais l’endurance a ses limites et l’épuisement, ses conséquences…  De son élégante écriture et toujours avec la même finesse d’analyse, Vincent Message (Défaite des maîtres et possesseurs, NB mars 2016) ne cesse de scruter les comportements humains. Il trace ici un chemin de désirs et de larmes et d’une lente descente aux enfers jusqu’à un drame que l’on pressent. L’histoire est contée, bien des années plus tard, par un chroniqueur, à partir des carnets tenus par la jeune femme au gré de ses marées intérieures et des témoignages des principaux acteurs dont il fouille les histoires. Le récit s’ancre dans le quotidien, ne néglige ni les détails ni les personnages. Entre les lignes se glissent le mythe d’Orphée, le pays Dogon… Dénonçant l’inhumanité d’une hiérarchie esclave du rendement, l’auteur nous immerge dans la spirale de ce naufrage intime et nous guide, dans un roman d’une grande justesse, jusqu’à un épilogue inoubliable. (Maje et M.-N.P.)

 

Les Refuges - Jérôme Loubry

1986. Pour vider la maison d’une grand-mère récemment décédée, qu’elle ne connaissait pas, Sandrine débarque sur l’île minuscule où celle-ci vivait. Un camp de vacances y avait été créé en 1949 dans des blockhaus allemands rénovés. Les quelques vieux qui y habitent semblent partager un secret terrifiant qui leur interdit de partir. Quelques jours plus tard Sandrine est retrouvée sur la côte normande, hébétée et couverte d’un sang qui n’est pas le sien. Que s’est-il passé ?  Les récits de la grand-mère et de sa petite-fille s’entrecroisent. Qu’est-il arrivé aux dix enfants accueillis sur l’île après la guerre ? Qui est ce « Roi des Aulnes » qui rôde dans la forêt, les menace et semble encore là quarante ans plus tard ? Quand, enfin, intervient l’inspecteur Damien, l’enquête semble se déliter, alors que la suppression du commissariat auquel il est affecté est engagée. Dans un langage fleuri, Jérôme Loubry déroule une histoire de plus en plus étrange et cruelle qui provoque un malaise grandissant. Malgré l’avertissement initial et les quatre « Balises » qui marquent Les refuges le lecteur est totalement égaré jusqu’à la fin. Un thriller fracassant ! (C.P. et C.R.-G.)

 


Un Soleil en exil - Jean-François Samlong

La Réunion, années soixante. Heva, seize ans, et ses deux frères vivent misérablement avec une mère à bout de forces et un père en prison. Croyant bien faire, la mère se laisse extorquer par l’État français l’autorisation d’exiler ses enfants vers les départements ruraux de la métropole. Exil d’autant plus cruel que la fratrie est séparée à son arrivée dans la Creuse.  Jean-François Samlong (Hallali pour un chasseur, HdN novembre 2015), originaire de la Réunion, est un ardent défenseur de l’histoire de son île. Entremêlant fiction et faits historiques, il écrit un roman à charge contre le programme mené par Michel Debré entre les années 1962 et 1984, consistant à déporter des enfants réunionnais dans le but d’empêcher la désertification de certaines zones rurales de la métropole… À travers la vie romancée d’une fratrie, il dénonce la brutalité et la cruauté du système : dispersion des familles, exil forcé, mauvais traitements de la part des paysans. Parallèlement, il raconte la genèse de cette aberrante entreprise et la reconnaissance en 2014 de la responsabilité de l’État français. L’héroïne est attachante, l’histoire poignante. Elle a surtout le mérite de mettre en lumière un épisode méconnu et peu reluisant de notre histoire.  (S.D. et M.-N.P.)

 

Les Grands cerfs - Claudie Hunzinger

Pamina et Nils se sont retranchés dans la montagne vosgienne, aux « Hautes Huttes », ferme nichée entre friches et forêts. Lorsqu’un jeune photographe animalier demande l’autorisation d’installer une cabane d’affût sur leurs terres et invite la propriétaire des lieux à partager l’observation d’une harde de cerfs, cette dernière saisit l’occasion de se rapprocher des visiteurs nocturnes qui passent près de la maison.  S’infiltrer pour contempler la vie intime et mystérieuse des grands mâles qu’elle voit disparaître l’un après l’autre entraîne la narratrice, double de Claudie Hunzinger (L’incandescente, NB octobre 2016), vers une quête obsessionnelle et dangereuse qui la fait passer du « côté des bêtes sauvages ». Dans des pages parfois glaçantes, la joie de l’émerveillement côtoie le chagrin de la perte. Cette femme passionnée est touchée en plein coeur par tout ce gâchis ; elle est écoeurée par l’absurdité des quotas, les affrontements d’intérêts contradictoires, les complicités, les compromis. Son témoignage déborde largement le périmètre local pour dénoncer la situation vertigineuse dans laquelle le monde « ensauvagé », emporté dans un processus d’appauvrissement des espèces, est menacé de disparition. De nombreuses références culturelles enrichissent ce requiem poétique à la beauté tragique et d’une grande puissance narrative.  (R.C.G., T.R. et S.L.)

 

Un Mariage  américain - Tayari Jones

Un soir, Roy et Celestial sont dans une chambre d’hôtel, lors d’un déplacement, quand la police fait irruption et emmène le mari accusé d’un viol. Mais dans un État comme la Louisiane, que vaut le témoignage d’un Noir face à l’accusation d’une Blanche ? Condamné à douze ans de prison, il en sort au bout de cinq ans et part retrouver sa femme, espérant recommencer leur vie ensemble. Mais peut-il l’y obliger ?   C’est le premier livre traduit en français de l’afro-américaine Tayari Jones. Elle décrit la vie d’un couple américain moyen, apparemment sans problème particulier. L’action se passe dans un État où le racisme est particulièrement présent. L’auteure fait de nombreuses références à la culture et la musique « noires », montrant leur importance pour cette communauté. De sa prison, le mari, même si sa femme n’entame pas de procédure de divorce, comprend que son couple se délite (plus de visites ni de lettres). Le récit est très bien mené, d’abord par la correspondance des époux, puis par l’alternance des chapitres où l’un ou l’autre des personnages s’exprime et fait comprendre l’évolution de la situation. Un roman réaliste et captivant dans une Amérique contemporaine.  (B.D. et B.T.)

 

Jours d'hiver - Bernard MacLaverty

Stella et Gerry Gilmore, couple de retraités, quittent leur maison d’Écosse pour passer quelques jours de vacances à Amsterdam afin de rafraîchir leurs sentiments, visiter des musées et emmagasiner des souvenirs. Leur relation semble tranquille, facile, naturelle, mais au cours de ces quatre jours, on découvre les failles, les incertitudes et les agaceries qui les habitent : le penchant pour l’alcool de Gerry, la focalisation de Stella sur la religion et une foule de petits détails journaliers. Leur mariage va-t-il résister à ces réflexions ?  Bernard MacLaverty est irlandais. Son texte sur l’amour, l’usure du temps, des corps et des sentiments sonne juste. C’est l’analyse d’un long mariage entre deux êtres qui ont mené des vies parallèles après avoir été fusionnels. L’approche de l’auteur est calme, discrète, sans drame ni éclats de voix. De nombreux flash-backs font entrevoir les chocs de la vie antérieure des deux personnages, sans atténuer l’intérêt pour leur vie actuelle, mais en leur donnant une crédibilité et une humanité certaines. L’auteur montre également son talent descriptif lors de la visite de la maison d’Anne Franck ou de la découverte du tableau de  La Fiancée juive de Rembrandt. Une belle histoire agréable à lire. (M.-F.C. et Maje)

 

La Panthère des neiges - SylvainTesson

Le narrateur accompagne au Tibet Vincent Munier, célèbre photographe animalier. Ils vont à la rencontre de La panthère des neiges, mais aussi de troupeaux de yacks, d’oiseaux de proie, de chèvres bleues, de loups, antilopes, gazelles et autres splendides animaux sauvages. Sur les hauts plateaux, à plus de 4500 mètres d’altitude, par -30°, la nature est grandiose, les bêtes ne se laissent pas facilement approcher. Il faut voir l’invisible… Leur petite équipe s’arrête quelques jours chez une famille de nomades, pratiquant l’art de l’affût, passant des journées entières à attendre l’improbable…  Fidèle à lui-même, Sylvain Tesson (Un été avec Homère, NB septembre 2018) arpente la terre et cherche à la comprendre. Amoureux de la nature et de la faune, il s’enthousiasme, admire, savoure la beauté et l’instant. À contre-courant de la modernité et de l’homme augmenté, il profite des longues journées de veille pour apprendre la patience, « une vertu suprême » et cherche à « se contenter du monde, lutter pour qu’il demeure ». Il ne faut pas espérer, mais simplement « vénérer le monde ». C’est un joli livre d’aventure et de méditation, aux phrases ciselées, poétiques ; un retour aux sources. (V.A. et S.D.)

 

Ceux qu'on aime - Victoria Hislop

Le grand retour de Victoria Hislop ! Le destin poignant de Themis, femme courageuse et engagée au cour d'une Grèce tourmentée. Athènes, 1941. Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, la Grèce, après avoir été libérée de l'occupation allemande est ruinée et le pays devient le théâtre d'une guerre civile. Révoltée par les injustices qui touchent ses proches, la jeune Themis décide de s'engager dans l'armée communiste et se révèle prête à tout, même à donner sa vie, pour défendre ses droits et sa liberté.
Quand elle est emprisonnée sur l'île de Makronisos, Themis doit prendre une décision qui la hantera à jamais pour protéger ceux qu'elle aime. Au crépuscule de sa vie, Themis prend conscience qu'il faut parfois rouvrir certaines blessures pour en guérir d'autres, et lève enfin le voile sur son passé tourmenté. 

 

Ne t'enfuis plus - Harlan Coben

Après avoir écouté sa fille Paige jouer de la guitare tout en faisant la manche dans Central Park, Simon, un brillant analyste financier new-yorkais frappe d’un coup de poing vengeur Aaron Corval, le toxico minable et dangereux qui l’a entraînée dans la drogue et l’empêche de lui parler. Il est arrêté et la vidéo de cette altercation devient virale. Trois mois plus tard, Aaron est retrouvé la gorge tranchée. La police s’intéresse de nouveau à Simon qui n’a qu’une obsession : retrouver sa fille.   Les nouvelles technologies jouent un rôle notable dans ce roman, aussi bien les réseaux sociaux et leurs vidéos que les analyses génétiques proposées par de nombreux laboratoires et qui provoquent toutes sortes de dérives. Harlan Coben (Par accident, NB décembre 2018) tisse, avec sa virtuosité habituelle, une histoire improbable dans laquelle certains personnages, dont il détaille le passé douloureux, riches ou pauvres, naïfs, innocents ou criminels, sont attachants. Une secte menace, les avocats sont redoutablement efficaces et les policiers clairvoyants. L’auteur éclaire de façon vivante le nouveau monde numérique de l’Amérique d’aujourd’hui. Un bon cru. (C.P. et A.-M.D.)