Là où chantent les écrevisses - Delia Owens
Caroline du Nord, 1952. Kya, six ans, vit dans une sinistre bicoque perdue dans le marais. Après une violente raclée du père alcoolique, sa mère s’en va, et bientôt ses aînés font de même. Kya survit, en symbiose avec une nature sauvage et pourtant bienveillante. Personne ne s’occupe d’elle, son père disparaît… À dix ans, elle conduit magistralement son bateau et vit de sa pêche. Quand un ami de son frère lui apprend à lire tout change : elle devient une experte du marais et écrit des ouvrages remarquables. Mais elle tombe amoureuse d’un séducteur qui fait une chute mortelle : accident, meurtre ?… La zoologiste Délia Owens a choisi pour son premier roman foisonnant un lieu étrange et somptueux qu’elle connaît bien. La nature quasiment inviolée, magnifiquement évoquée, est un personnage à part entière. Jusqu’en 1970, on vit avec l’héroïne dont la solitude, l’isolement et un incroyable instinct de survie forgent le caractère. Tous les mots sonnent juste, ainsi que l’étude sociologique de la société américaine, dure et raciste, mais qui s’amende peu à peu. Le roman d’apprentissage devient thriller. Haletant jusqu’au bout, il remporte un succès phénoménal aux États-Unis. Une adaptation cinématographique est en cours. (A.-C.C.-M. et M.-C.A.)
Le Crépuscule des Justes - Georges Patrick Gleize
Sainte-Colombe-sur-l’Hers, octobre 1998. Hors saison, il est rare de voir un touriste dans la petite commune dépeuplée. Roger Darmon vient enquêter sur la disparition mystérieuse de son père en 1962, peu après sa naissance. Un ancien réfugié espagnol lui révèle que François Darmon, enfant rescapé des rafles qui avaient décimé sa famille juive à Paris, avait été recueilli par l’instituteur du village après l’incendie par les Allemands, en 1943, de la ferme où il s’était caché. Mais ensuite ? Pourquoi lui a-t-on toujours dissimulé qui était vraiment le disparu : héros, victime, salaud ?…
L’auteur (Les noisetiers du bout du monde, HdN décembre 2018), très bien documenté, dresse, avec un grand souci des détails, un tableau de l’atmosphère sous l’Occupation puis au début des Trente Glorieuses dans sa région de coeur, l’Ariège, dont les habitants et les paysages sont décrits avec talent. Aux faits de délation, de trahison et d’omerta en temps de guerre, succède une énigme vaudevillesque un peu faible. Les personnages de témoins, surtout ceux des « Justes-sans-le-savoir », sont mieux développés que ceux des traîtres facilement repérables et caricaturaux. L’écriture, académique et sérieuse, laisse peu de place à l’émotion. (T.R. et L.D.)
L'Or de Salomé - Geneviève Senger
En Alsace au début du siècle dernier, Salomé, mariée à quinze ans avec un foreur de pétrole, a une fille avec son mari et un garçon avec son amant, un ingénieur parisien dont l’épouse l’a prise comme dame de compagnie. Le temps passe, la guerre chasse les Allemands, l’ingénieur part en Californie d’où il invite la toute jeune femme à le rejoindre avec sa famille. Sur le bateau, elle rencontre un coiffeur juif, allemand, homosexuel, qu’elle éblouit et qui fera d’elle une star du cinéma muet. Encore un roman de Geneviève Senger (La dame des Genêts, HdN janvier 2019) où l’Alsace est à l’honneur, dans cette période de l’Histoire où l’Europe s’autodétruit tandis que l’Amérique explose de puissance. Le contraste est saisissant entre une Alsace noircie par son pétrole, meurtrie par son histoire, avec peu de riches et une masse d’ouvriers et paysans en souffrance, et Los Angeles, où le ciel bleu et le soleil font oublier les milliers de derricks, où beaucoup s’enrichissent et Hollywood devient le royaume des femmes, les hommes considérant le cinéma comme superficiel et sans avenir. Peu de personnages, mais bien typés, des aventures variées et ce cadre contrasté créent un roman léger et original. (P.B. et A.Le.)
1940, année noire pour la France : invasion de l’Allemagne là où on ne l’attendait pas et exode des civils français vers le sud. Quelques personnages principaux occupent l’avant-scène. Une jeune Parisienne est mêlée à un scandale qui fait la une des journaux. Un tandem mal assorti d’appelés – jeune professeur loyal et trafiquant talentueux – est affecté sur la ligne Maginot. Un simulateur de génie se métamorphose avec brio et un garde mobile s’adapte à la situation au gré des affectations.
Voici le troisième et dernier volet d’une fresque couvrant les deux guerres mondiales (Couleurs de l’incendie, NB mars 2018), dont le premier a reçu le prix Goncourt 2013. L’auteur balaie d’une plume mordante ces années cataclysmiques, de la grande illusion de la défense militaire française face à l’armée du Reich, à la désinformation savamment orchestrée qui l’accompagne… et où notre affabulateur jouera un rôle de premier plan. Puis, il devient plus lyrique pour décrire avec un réalisme efficace l’exode des Parisiens. La galerie de portraits vivants et contrastés séduit, les beaux sentiments émeuvent, les magouilles et turpitudes amusent, l’intrigue bien ficelée tient en haleine, même les quelques outrances ou invraisemblances ajoutent du piment à l’ensemble. Belle mécanique, on en redemanderait ! (L.K. et C.G.)
Rue de la fontaine bleue - Jean-Paul Malaval
Années 1950, à Brive. Rose, avec l’aide de son ancien groupe de résistants, crée un journal destiné à concurrencer celui qui sert la propagande du maire en place. Les fonds nécessaires proviennent du butin d’un hold-up commis à la Libération, à l’encontre d’un banquier collaborateur. Mais ses associés, machistes et arrivistes, évincent la jeune femme qui se lance alors dans une enquête sur le passé de son grand amour resté platonique, tué à la fin de la guerre.
Ce énième roman de Jean-Paul Malaval (La Souveraine en son domaine, HdN novembre 2018) relate les années troubles de l’après-guerre : exécutions sommaires de soi-disant collaborateurs, montée en puissance de résistants de la dernière heure dans la vie politique et sociale, renversements de fortune. Les personnages masculins sont cyniques, manipulateurs, cupides et assoiffés d’honneurs. La jeune femme au caractère bien trempé, courageuse, réaliste et intelligente, reste curieusement fleur bleue dans sa vie sentimentale. Beaucoup de longueurs, de scènes répétitives et un dénouement inattendu, peu crédible. (B.D. et M.S.-A.)
Et toujours les forêts - Sandrine Collette
Abandonné par sa mère chez Augustine, sa grand-mère, Corentin étudie dans une grande ville quand le monde implose. Alors descendu dans des catacombes, il est épargné. Dehors tout n’est que cendres et puanteur. Au terme d’un épuisant voyage, accompagné d’un chiot aveugle, il retrouve dans les Forêts la vieille Augustine et Mathilde, fille d’une voisine. Quelques vivres intacts dans les bourgs permettent de subsister momentanément. Mais terre et eaux sont polluées et stériles. Et demain ?…
Sandrine Collette (Animal, NB mai 2019) imagine une fin du monde, peut-être provoquée par le réchauffement climatique. Mais peu importe que l’hypothèse soit crédible. Les phrases courtes, dans une langue familière et haletante, évoquent puissamment un univers vide, sans vie ; sans animaux, sans plantes ni arbres, sans soleil ni couleurs, dont le silence étreint les rares survivants, fous de solitude. Une lueur d’espoir et un instinct de survie poussent le jeune homme mal-aimé à désirer des enfants, symboles de renaissance. Cependant certains survivants, tenaillés par le froid et la faim, deviennent des bêtes sauvages. Sur un sujet qui n’est pas nouveau, un hymne à la beauté d’une planète menacée qui verse parfois dans un excès de bons sentiments et laisse sceptique. (L.G. et A.Be.)
Pour le sourire de Lenny - Dany Rousson
Deux SDF arrivent à Aigues-Mortes et font la connaissance de Pacôme, photographe amateur à ses heures mais également saunier dans les marais salants des environs. Ce dernier propose de les héberger et les aide à trouver un petit emploi. La jolie Garance tient une boutique de restauration de jouets anciens et aperçoit souvent Savate qui observe sa vitrine. Gaëlle, caissière dans une épicerie, élève seule son fils Lenny qui s’échappe de temps en temps pour retrouver Savate dont il s’est fait un ami. Mais bientôt un drame… Une nouvelle fois Dany Roussin situe son roman dans la France profonde (L’été retrouvé, HdN août 2018) où les gens vivent à un rythme paisible, ont des relations plutôt harmonieuses entre eux sauf lorsqu’ils sont dérangés dans leur façon de penser. Elle nous livre quelques aperçus des courses de taureaux de la région. Le récit cousu de bons sentiments dans un style ponctué de nombreux dialogues se déroule de façon prévisible. Rien de très original mais ce roman se lit aisément. (E.Ca. et E.G.)
Journal d'un amour perdu - Eric-Emmanuel Schmitt
Il est temps pour lui d'en finir avec les secrets et de révéler à Carl Morck et à son équipe d'où il vient et qui il est. Au risque d'entraîner le Département V dans l'oeil du cyclone. Qui est Assad ? Victime 2117 est la réponse. Cette enquête est son histoire.
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